Eurydice

Je suis la silencieuse – ombre morte et muette –,
Le fantôme que nul n’a jamais contemplé,
L’amante deux fois morte, à jamais ignorée,
Je suis la résignée, l’effacée, la discrète.

J’ai entendu sa voix briser le froid silence,
J’ai vu ses yeux brillants faire pâlir les ombres,
J’ai écouté son rire envahir les décombres
Et sa lyre et son chant museler la souffrance.

Et sa voix s’insinue, m’envahit, me pénètre,
M’obsède et me soumet, me violente et me berce,
Me charme et m’abolit, me console et me perce.
Et je suis cette voix comme un chien suit son maître.

Pourtant mon cœur est vide, et mon âme se creuse,
Mon pied foule le sol mais ne le marque pas,
Mon regard transparent contemple l’au-delà,
Et je m’arrête au seuil, livide et ténébreuse.

Ébloui par sa gloire, enivré par sa voix,
Sans un regard pour moi, Orphée s’en est allé.
Des ténèbres j’entends son chant doux et léger,
Et enfin je murmure ; et je chante parfois.

Élodie Delaruelle